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alain de benoist - Page 28

  • Surpopulation : la menace !...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°184, juin 2020 - juillet 2020) est en kiosque !

    A côté du dossier consacré à la bande-dessinée, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec les écrivains Benoït Duteurtre et Bruno Favrit, le journaliste américain Christopher Caldwell, le neurologue François Delussis et l'historien Georges Minois ainsi que les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Ludovic Maubreuil, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli, de Slobodan Despot et de Jean-François Gautier...

    Bonne lecture !

    Vous pouvez commander ce numéro ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

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    Au sommaire :

    Éditorial

    Notes sur les débuts de l’ère covidienne, par Alain de Benoist

    L’entretien

    Benoît Duteurtre : du coté du « réac sympa » , propos recueillis par Thomas Hennetier

    Cartouches

    La littérature contre ce monde, le regard d’Olivier François

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Cinéphilie, pour une troisième voie, par Ludovic Maubreuil

    Carnet géopolitique : le grand renversement, par Hervé Juvin

    Champs de bataille : à Rastatt, sur la rive droite du Rhin (I), par Laurent Schang

    L’indigénisse, par Bruno Lafourcade

    Économie, par Guillaume Travers

    Bestiaire : quand des perroquets inventent le calcul des probabilités, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    L’imprévu dans l’économie : Onze questions sur la crise qui vient, par Guillaume Travers

    La santé n’est pas une politique, par Jean-François Gautier

    François Bousquet : biopolitique du coronavirus, par Pascal Esseyric

    Semmelweis, Céline, Raoult contre les mains sales, par Alain Lefebvre

    Docteur François Delussis : vingt-cinq jours aux urgences, propos recueillis par Pascal Eysseric

    Le coronavirus et les morts-vivants, par David L’Épée

    Laurent Schang : Von Rundstedt, le maréchal retrouvé, propos recueillis par François Bousquet

    Bruno Favrit : Nietzsche face à la paroi, propos recueillis par Pierre Saint-Servant

    Miyamoto Musashi, entre bushidô japonais et chevalerie française, par Laurent Schang

    Big Pharma, les nouveaux barons de la drogue, par Marie Chancel

    Christopher Caldwell : aux origines du politiquement correct, propos recueillis par Ethan Rundell

    Glucksmann, Enthoven, Cespedes : qui sont les nouveaux filousophes ? par David L’Épée

    Haro sur les putes intellectuelles, hommage à Jean-Pierre Voyer, par Paul Josias

    Au secours, Baverez revient ! L’éditocrate a lu Tocqueville, par Thomas Hennetier

    Guillaume Travers : la leçon d’économie médiévale, propos recueillis par Fabien Niezgoda

    Le polythéisme vu par Jean-François Gautier, par Thibaud Gibelin

    Dossier

    Surpopulation : le trop-plein

    Pour en finir avec les contre-vérités sur la démographie, par Fabien Niezgoda

    Peut-on être catholique et craindre la bombe P ? par Olivier Rey

    Georges Minois : l’obsession du surpeuplement dans l’histoire, propos recueillis par Fabien Niezgoda

    Le retour des malthusiens : instinct de survie ou pulsion de mort ?, par David L’Épée

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : la reconquête de l’espace, par Slobodan Despot

    Un païen dans l’Église : le pet du fou de Capestang, par Bernard Rio

    L’anti-manuel de philosophie : la pluralité des cultures et l’unité du genre humain, par Jean-François Gautier

    L’esprit des lieux : Derborence au solstice d’été, par Hélène Meyer

    C’était dans Éléments : les conquérants de l’inutile, par Pierre Vial

    Éphémérides

     

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  • Le confinement, un test de docilité grandeur nature ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque les choix gouvernementaux face à la crise sanitaire. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Même au Moyen Âge, le confinement des bien-portants n’a jamais permis d’endiguer une épidémie ! »

    Aujourd’hui que les choses paraissent en voie d’apaisement, peut-on dire que le gouvernement, même si manifestement pris de court, en a trop fait ou pas assez face à l’épidémie, ou juste fait comme il pouvait ?

    Il n’y a pas d’autre mot pour le dire : la réaction des pouvoirs publics face au Covid-19 a été proprement calamiteuse. Cinq mois après le début de l’épidémie, nous n’avons toujours pas atteint la capacité de dépistage que nous aurions dû avoir lorsque les premiers morts sont apparus. Le gouvernement s’est d’abord réfugié dans le déni (ça ne viendra pas chez nous, c’est une grippette), après quoi nous avons assisté à un incessant défilé de cafouillages, de consignes contradictoires et de mensonges d’État. Rien n’avait été prévu, alors que des voix nombreuses s’étaient élevées, ces dernières années, pour laisser prévoir une nouvelle pandémie venue d’Asie. La cause première réside dans l’incapacité des pouvoirs publics à raisonner au-delà du court terme. Mais la cause la plus fondamentale est que, pour se conformer aux règles de l’idéologie libérale, on a voulu soumettre le secteur de la santé publique à des principes de rentabilité, de concurrence et de gestion à flux tendu qui ont entraîné la fermeture de milliers de lits, la destruction de stocks de réserves, la précarisation croissante d’un personnel déjà sous-payé. En d’autres termes, nous avons intégré au système du marché un domaine qui est, par définition, hors marché. Le résultat a été un effondrement généralisé des capacités de l’hôpital public.

    Ce n’est certes pas une révélation. Cela fait des années que le personnel hospitalier multiplie les alarmes, sans jamais être entendu. Aujourd’hui, Macron et ses clones se confondent en remerciements envers les soignants. Il aurait mieux valu leur donner les moyens de travailler et faire droit à leurs justes revendications.

    Même au Moyen Âge, le confinement des bien-portants n’a jamais permis d’endiguer une épidémie. De ce point de vue, le confinement généralisé a d’abord été un aveu d’impuissance : on a confiné tout le monde parce que l’on n’avait ni masques (qu’on a d’abord décrétés « inutiles », avant d’en rendre le port quasiment obligatoire), ni tests de dépistage, ni matériel de réanimation, ni outillage d’assistance réanimatoire. En Europe, les pays les mieux équipés sont aussi ceux qui ont le moins confiné. Puis, quand on a commencé à déconfiner, on a adopté toute une série de réglementations punitives parfaitement loufoques. Plutôt que de faire face, le gouvernement s’est retranché derrière l’avis des « scientifiques », alors que ceux-ci n’étaient pas d’accord entre eux. Bref, on a subi. Et ce n’est sans doute pas fini.

    Au-delà des considérations techniques, n’avons-nous pas assisté à un nouveau pas en direction d’une sorte de société de la trouille généralisée, avec l’intériorisation du principe de précaution, lequel peut avoir tendance à nous faire troquer un semblant de sécurité contre des privations de libertés autrement plus tangibles ?

    Depuis que l’on a posé comme synonymes le bonheur et l’allongement de la vie, il est bien connu que les gens sont prêts à accepter presque n’importe quoi en échange d’une promesse de sécurité. Sans tomber dans le conspirationnisme, il est clair que le confinement a aussi constitué un test de docilité grandeur nature. On a pu évaluer dans quelles conditions il était possible d’amener les gens à devenir leurs propres geôliers. Parallèlement, en prétextant l’état d’urgence sanitaire, on a adopté de nouvelles mesures de surveillance et de contrôle qui ont toutes chances d’être pérennisées en étant intégrées au droit commun. Les mesures adoptées dans le passé pour lutter contre le terrorisme ont pareillement fini par concerner toute la population. Chaque donne ainsi l’occasion de donner un tour d’écrou.

    Nombre de commentateurs glosent sur le « monde de demain ». Pensez-vous qu’une simple épidémie puisse suffire à remettre en cause les fondements du système actuel ? En d’autres termes, le capitalisme mondialisé devra-t-il revoir son logiciel ou a-t-il encore assez de ressources pour se perpétuer sans rien changer à son fonctionnement historique ?

    Aucune épidémie ne peut, à elle seule, provoquer une révolution politique, et moins encore la disparition d’une idéologie dominante. Il est, d’autre part, évident qu’on rêve debout quand on s’imagine que « rien ne sera plus comme avant ». Ceux qui souhaitent que rien ne change disposent de moyens énormes pour y parvenir. Mais la remise en route ne va pas se faire aisément. Ici, ce n’est pas l’épidémie qui compte, mais ce qui va se produire ensuite. Des secteurs entiers de l’activité économique sont d’ores et déjà sinistrés, et beaucoup ne vont pas s’en remettre. Le gouvernement indemnise pour l’instant le chômage partiel, mais cela n’aura qu’un temps. Durant l’année qui vient, ou plus probablement les deux années qui viennent, on peut s’attendre à d’innombrables faillites et plans de licenciement. Le chômage va remonter en flèche. La crise économique et sociale peut, elle-même, déboucher sur une crise financière de première ampleur. L’Europe est déjà entrée en récession, et pour éponger les aides d’urgence auxquelles il a dû consentir, l’endettement de l’État va atteindre une hauteur stratosphérique. Tout cela devrait aboutir à une colère sociale en comparaison de laquelle le mouvement des gilets jaunes apparaîtra rétrospectivement comme peu de choses.

    Vivant moi-même plus ou moins confiné depuis plus de trente ans, le confinement n’a pas changé grand-chose à mon mode de vie ! Mais pour les classes populaires, qui se sont retrouvées assignées à résidence pendant deux mois, le confinement a été insupportable. Ce sont ces mêmes classes populaires qui ont permis au pays de continuer à fonctionner, ce qui a permis de constater, une fois de plus, que ce sont les fractions les plus indispensables de la population qui sont aussi les plus mal payées. La crise économique qui s’annonce va aussi les frapper de plein fouet. Les conséquences sont encore imprévisibles, mais elles devraient être énormes.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 mai 2020)

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  • L’Empire du Bien contre-attaque contre Michel Onfray et son Front Populaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme consacré aux violentes attaques dont Michel Onfray a fait l'objet dans la presse du système (Le Monde, Libération,...) à la suite de son annonce du lancement d'une revue intitulée Front populaire...

     

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    L’Empire du Bien contre-attaque contre Michel Onfray et son Front Populaire

    Dans son édition datée du mardi 19 mai 2020, Le Monde a de nouveau lancé ses fidèles guerriers de la lutte contre les néo-réacs à l’assaut. Depuis le pamphlet de Daniel Lindenberg, Le rappel à l’ordre, enquête sur les nouveaux réactionnaires, paru en 2002, réédité depuis, et la longue campagne de presse à la une qui s’en était suivie, amalgamant des personnalités dont il fut alors remarqué qu’elles n’avaient pourtant rien en commun dans le domaine de la pensée, le marronnier est régulièrement de retour. Et Le Monde n’est en ce domaine jamais à la traîne. Ce mauvais essai s’inscrivant dans la lignée de la période Plenel où Le Monde traquait du « rouge-brun ».

    Onfray de blanc devient noir

    Ce mardi 19 mai 2020, ce sont donc les fidèles limiers Lucie Soullier et Abel Mestre « spécialistes » es extrême-droite (voir le portrait d’Abel Mestre), mais ne définissant jamais ce qu’ils entendent par-là, qui attaquent et ont donc trouvé un nouveau réactionnaire, Michel Onfray, pourtant longtemps égérie d’une partie de la gauche, laquelle avait même pensé un temps à lui pour les présidentielles de 2007, ayant à l’époque table ouverte dans tous les médias du système, médias qu’il critique avec virulence maintenant, chacun étant libre d’évoluer au long d’une vie intellectuelle. Michel Onfray était pourtant, moins depuis qu’il trouve l’islam dangereux, dogmatique, violent, en passe de peut-être imposer sa loi, un gendre idéal autrefois : penseur devenu philosophe, travailleur acharné, certains disaient polygraphe excessif, critique d’une éducation nationale déjà assez moribonde pour qu’il la quitte afin de fonder une université populaire, combattant de l’antiracisme sous toutes ses formes, attentif à ne pas débattre avec les méchants de l’autre rive, ou supposés tels. Ce qui fut évident quand une réponse à son Traité d’athéologie fut publiée en forme d’Anti-traité d’athéologie, du fait des nombreuses utilisations faites par le philosophe d’extraits tronqués de la Bible afin de démontrer ses thèses. Un peu trop de virulence des deux côtés, sans aucun doute, c’était l’époque. Reste que Michel Onfray était partout, et même au téléphone pour commenter n’importe quel fait d’actualité à n’importe quel moment de la journée.

    Les médias officiels n’aiment plus Michel Onfray

    C’est donc terminé, toute la presse officielle et convenue, celle qui sert la soupe au mondialisme, lui tombe dessus, à commencer par Le Monde. Mais Libération et consorts suivent, la « Lettre politique » du bientôt retraité Joffrin étant par exemple consacrée à Michel Onfray le mercredi 20 mai 2020. En son entier. Qu’un philosophe aussi adulé, durant aussi longtemps, ayant bénéficié d’une émission annuelle d’un mois sur France Culture durant des années, invité partout, vienne rejoindre, pensent-t-ils, la cohorte de ceux que l’on qualifiera dans ces milieux d’hommes « de droite » ou « d’extrême-droite », les sociaux-libéraux ont du mal à faire la différence, comme Dantec autrefois, Houellebecq et tant d’autres, ainsi que des confrères auxquels ils dénient évidemment la qualité d’organes de presse, comme Éléments, Valeurs Actuelles, Présent ou L’Incorrect par exemple, choque l’entendement de Soulier et Mestre. Pour Le Monde, ce qui est acceptable c’est de penser comme Le Monde.

    Et c’est à cela que servent Lucie Soullier et Abel Mestre, dans la plus pure tradition des anciens « commissaires du peuple » ou du tribunal révolutionnaire de 1793 : traquer tous les suspects.

    De quoi ? Du crime suprême : être simplement suspect.

    L’objet du délit ? Front Populaire

    Michel Onfray lance sa revue trimestrielle Front Populaire en juin. Ce sera aussi une plateforme d’échange d’idées entre personnes qui ne pensent pas en gros toutes dans le même sens (Le Monde n’aime pas trop cela) et peut-être l’embryon d’un soutien à une candidature souverainiste, au sens de rendre la souveraineté au peuple dans le cadre d’une nation conçue comme un ensemble de provinces et de communes. Michel Onfray est en partie proudhonien, mais Soullier et Mestre ne savent pas qui est Proudhon. Dans l’esprit des surveillants général du retour de la « bête immonde », toujours prête à surgir et à mordre, comme en 1933 (une année du début du 20e siècle dont le centenaire approche à pas rapides), Michel Onfray a outrepassé le droit de la pensée autorisée, selon eux, en devenant souverainiste — mais il affirme l’avoir toujours été, ayant « voté contre Maastricht en 2012 » ainsi qu’il le rappelait sur Sud Radio dimanche 17 mai 2020 — c’est-à-dire en basculant à l’extrême-droite, toujours selon le logiciel qui se veut être de la pensée au Monde.

    Les arguments, pour « démontrer » le devenir en gros « fascisant » de Michel Onfray, méritent que l’on s’y arrête un peu. Michel Onfray est devenu un délinquant de la pensée car :

    Le titre et l’accroche :

    " Avec sa nouvelle revue « Front Populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite

    La revue, qui doit être lancée en juin, entend réunir les « souverainistes de droite et de gauche ». Parmi ses premiers soutiens, l’on compte de nombreuses figures de la droite de la droite. "

    Une manière de dire les choses, directement issue du centralisme démocratique pratiqué dans les anciens partis communistes staliniens, maoïstes et polpotistes : ce n’est pas à la pensée du philosophe que s’en prennent les journalistes mais au philosophe en tant que d’autres personnes, mal-pensantes dans leur esprit, s’intéressent à la revue mise en oeuvre par Michel Onfray, laquelle atteint plus de 17 500 « contributeurs » à l’heure où nous écrivons. Il est important d’insister sur ce mot, « contributeurs ».

    Un contributeur financier (abonné) n’est pas un auteur

    La revue Front Populaire se crée sur la base du financement participatif, dont le fonctionnement ne saurait être ignoré de journalistes. En finançant, les « contributeurs » prennent en réalité un abonnement par avance, selon plusieurs formules (un an, deux ans, à vie, papier plus numérique, uniquement numérique).

    Il ne s’agit donc pas de « contributeurs » appelés à écrire dans la revue, et cela les journalistes le savent très bien (cela ferait tout de même du monde, plus de 17 000 personnes pour écrire), mais bien d’abonnés.

    La confusion de Lucie Soullier et Abel Mestre apparaît à plusieurs reprises dans l’article et elle est volontaire. À quoi sert-elle ? À indiquer, comme des preuves qui seraient irréfutables du basculement à la droite de la droite de Michel Onfray, que des « personnalités d’extrême-droite » sont parmi les « contributeurs » (en réalité, abonnés). Sauf que la manière de présenter les choses est fausse : les journalistes ne parlent pas d’abonnés mais de contributeurs, au sens où ces personnalités qui seraient pour Le Monde une réincarnation du Mal absolu, auraient vocation à contribuer, au sens d’écrire, dans la revue.

    Nous avons contacté certaines personnalités citées dans l’article. Qu’avons-nous appris ? Que Soullier et Mestre les ont contactées pour leur demander si elles étaient bien au rang des « contributeurs ». Abonnés, donc. Ce que confirment les personnes en question.

    Subtile malhonnêteté à peine atténuée par ce fait : l’article cite Alain de Benoist et celui-ci précise qu’il est abonné et non pas auteur. Mais cette citation n’est pas plus hasardeuse, le nom d’Alain de Benoist sert de repoussoir absolu depuis 40 ans dans les médias français.

    « Débattre du souverainisme en 2020 avec Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers. L’affiche poussiéreuse pourrait presque faire sourire. » Ce sont les premiers mots de l’article.
    Vient ensuite l’accusation de « récupération », à propos du professeur Raoult, médecin dont les deux journalistes paraissent ignorer les compétences.

    Onfray et ses lunettes

    Puis, celle de faire commerce de sa petite entreprise : « Une « voix alternative », devenue sa marque de fabrique depuis quelques années. Front Populaire n’est ainsi qu’une déclinaison de plus de la galaxie Onfray. Son logo arbore d’ailleurs les petites lunettes de l’enseignant, comme le site personnel regroupant l’ensemble de ses productions. Son associé, le producteur de télévision Stéphane Simon (qui a travaillé notamment pour Thierry Ardisson) a quant à lui une expérience dans les « médias engagés » : c’est lui qui produit la webtélé RéacnRoll où s’illustrent les figures de la réacosphère Élisabeth Lévy, Ivan Rioufol, Barbara Lefebvre et Régis de Castelnau. Ces deux derniers seront également « auteurs » au sein de Front Populaire, dont la ligne éditoriale séduit à l’extrême droite. »

    La question des lunettes de Michel Onfray paraît hautement importante dans l’entre-soi parisien : Laurent Joffrin en parle aussi dans sa Lettre de Libération du 20 mai. Avec le même mépris ?

    Cependant, ces derniers aspects ne sont que le hors d’œuvre : le gros du menu vient de la « séduction » exercée sur l’extrême droite par Michel Onfray, sa vie, son œuvre, son Front Populaire.

    7 « contributeurs » sur 17500

    Arguments ? Des noms : Alain de Benoist, dont il est répété une fois encore qu’il fut (il y a plus de 50 ans…) l’un des fondateurs de la « nouvelle droite », deux mots qui servent d’épouvantail aux moineaux de la gauche libérale-libertaire depuis 1980, « Patrick Lusinchi, l’un des dirigeants d’Éléments, la revue de ce courant ; l’identitaire breton Yann Vallerie (à qui M. Onfray a accordé un entretien pour le site Breizh-Info) ; Claude Chollet, patron d’un observatoire (d’extrême droite) des médias ; Robert et Emmanuelle Ménard, respectivement maire de Béziers et députée, chantres de « l’union des droites », ou encore Philippe Vardon, ancien du Bloc identitaire, désormais membre du bureau national du Rassemblement national (RN) » et Thibault Isabel.

    Huit individus donc, abonnés de la revue.

    Seul le dernier est au nombre des contributeurs appelés à écrire, la liste est aussi sur le site mais… Le Monde ne juge pas utile de l’évoquer en détail. Notons que l’observatoire des médias indiqué, dont Claude Chollet est le patron, est l’OJIM que vous êtes en train de lire. 7 individus sur… bientôt 17 500.

    Si Front Populaire séduit l’extrême-droite, appellation qui mériterait débat pour chaque personne citée, soit Soullier et Mestre ont mal fait leur travail en lisant la liste des contributeurs publiée sur le site de Front Populaire et ils ont raté des noms, soit quelques abonnés à votre revue fait de vous, pour Le Monde, un danger politique de haute amplitude.

    Il est vrai qu’il y a aussi Marine Le Pen qui ne sera pas « contributrice » mais a fait « un tweet pour féliciter l’entreprise », comme nombre d’autres Français qui trouvent qu’un espace de débats est toujours bienvenu dans une démocratie. Sauf Le Monde, qui n’a pas envoyé de tweet de félicitations à notre connaissance.

    L’Humanité à la rescousse

    Cet ancrage à l’extrême-droite de Michel Onfray et sa « haine des universitaires » auraient été dénoncés en 2015 par une tribune de chercheurs et intellectuels, certains du CNRS, parue dans… L’Humanité. Soullier et Mestre ne paraissent pas s’apercevoir de l’étrangeté de cet argument et de cette référence, pour le coup ultra-politisée et militante.

    Ensuite ? Michel Onfray a une position qui ne va pas sur un sujet qui fâche : « c’est sur l’islam que le courroux de Michel Onfray se focalise depuis plusieurs années, jusqu’à affirmer, le 18 mai, dans une interview à Causeur, que l’islam serait donc la religion la « plus à craindre » et à voir dans Soumission, de Michel Houellebecq (Flammarion, 2015), une prophétie. En 2015, juste après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, il s’interrogeait déjà en ces termes sur France 2 : « La question qu’on devrait pouvoir poser sans être assimilé à Marine Le Pen, c’est : est-ce qu’il y a une différence de nature entre un musulman pacifique et un terroriste ou une différence de degré ? ». Des positions qui, selon ses adversaires, signent son passage à la droite de la droite. « Michel Onfray, qui vient soi-disant de la gauche pure, est devenu l’idiot utile d’une pensée réactionnaire qui a pour point de jonction une obsession anti-islam », juge ainsi Alexis Corbière, député La France insoumise, qui ferraille avec l’enseignant depuis plusieurs années. »

    Questionner l’islam en France, c’est pour les médias officiels devenir d’extrême droite ?

    Par ailleurs, Lucie Soullier est partie à la recherche d’un autre argument, presque fétichiste tant le sujet revient sous sa plume : « Ce qui n’empêche pas les autres d’être à l’affût, comme certains proches de Marion Maréchal ex-Le Pen ne résistant pas à voir là une énième plate-forme pour (re)lancer leur favorite. » Etonnant, ce refus répétitif de refuser à Marion Maréchal son nom.

    Qui sont les « proches » ? Ils ne sont pas indiqués. Et pour cause, contacts pris avec les proches en question, personne n’a confirmé être « à l’affût » d’un homme qui serait devenu une sorte de gibier si l’on en croit le vocabulaire de l’article.

    1791 ou 1793 ?

    À gauche ? On serait froid. Un nom est cité pour preuve, celui d’Alexis Corbière. Ce dernier est réputé pour être un anti Onfray depuis des années. Il lui reproche de préférer 1791 à 1793. Il est vrai que Onfray a peu de goût pour la guillotine de Robespierre. Sur le même sujet suivent des « arguments d’autorité », ceux qui sont tout sauf de la pensée : ce que fait Michel Onfray est mal, pour la gauche comme pour le souverainisme. Pourquoi ? Parce que ce sont deux historiens, spécialistes, universitaires, qui le disent. Et cela suffit pour le prouver.

    Finalement ? L’initiative Front Populaire de Michel Onfray est évidemment une initiative d’un intellectuel de gauche, mais d’une gauche qui refuse la gauche de type LFI autant que la gauche qu’il nomme libérale-sociale. Il affirme un girondisme, une volonté de localisme qui peut plaire à des personnes d’autres horizons politiques. Reste que l’article de Lucie Soullier et d’Abel Mestre n’est pas un article journalistique mais un tissu d’approximations et de manipulations visant à salir l’image de l’homme tout en donnant une vision négative de son initiative. S’en rendent-ils seulement compte ou bien sont-ils à ce point formatés que c’en est impossible ? Difficile à dire. Un peu des deux peut-être et une dose de malhonnêteté en même temps que de mépris de toute initiative qui pourrait devenir populaire. Le Monde, Paris, les universitaires… Et le peuple ? Une partie s’abonne à Front Populaire, et bien que n’étant pas des amis de Michel Onfray, l’auteur de ces lignes a fait de même.

    Observatoire du journalisme (OJIM, 23 mai 2020)

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  • Le retour au commun...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur le site de la revue Rébellion et consacré à la question du libéralisme. Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Décroissance ou toujours plus ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2018) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Entretien avec Alain de Benoist : Le retour au commun

    Vous montrez que les différentes formes de libéralisme partagent une même conception de l’homme. Quelle est cette définition dans la pensée libérale ?

    L’unité profonde du libéralisme réside dans son anthropologie – une anthropologie dont les deux piliers sont, indissociablement, l’individualisme et l’économisme.

    Le libéralisme fait de l’individu la seule et unique source des valeurs et des finalités qu’il se choisit. Cet individu est considéré en soi, abstraction faite de tout contexte social ou culturel. C’est un être fondamentalement indépendant de ses semblables, entièrement propriétaire de lui-même, ne devant rien à la société, déterminant librement ses choix, qui vise toujours et uniquement à maximiser rationnellement son utilité, c’est-à-dire son meilleur intérêt matériel et son profit privé. Cette thèse fait de l’homme un être de calcul et d’intérêt. Le modèle est celui du négociant au marché : c’est l’Homo œconomicus.

    L’individu étant censé venir en premier, soit qu’on le suppose antérieur au social dans une représentation mythique de la « pré-histoire » (antériorité de l’état de nature), soit qu’on lui attribue un simple primat normatif (l’individu est ce qui vaut le plus), les peuples et les nations n’ont plus de propriétés intrinsèques ou de statut d’existence autonome : ce sont de simples agrégats d’individus. « La France n’est qu’un agrégat d’êtres humains », écrit l’économiste libéral Bertrand Lemennicier. C’est dans le même esprit que Margaret Thatcher pouvait affirmer que « la société n’existe pas » (« there is no society »).

    Dans ces conditions, l’homme est censé se construire lui-même à partir de rien, non à partir d’un déjà-là. L’homme se comporte comme un être social, non parce que cela est dans sa nature, ainsi que le soutenait Aristote, mais parce qu’il est censé y trouver son avantage, ce qui signifie qu’il n’a pas de rapport éthique avec lui-même. Dans le libéralisme, le lien social dépend entièrement du système contractuel : la société est censée pouvoir être entièrement régulée par le contrat juridique et l’échange marchand. C’est la fin du bien commun, faussement assimilé à un « intérêt général » qui n’est qu’une somme d’intérêts particuliers. Dans la mesure où le libéralisme prétend mettre les institutions au service de l’individu, il s’oppose inévitablement au bien commun, qu’il considère comme inconsistant. Le monde libéral, c’est le monde du non-commun

    La liberté n’est pas le propre du libéralisme. La « liberté » des libéraux est-elle un moyen de créer un individu égoïste détaché de toutes attaches ?

    Le libéralisme se présente volontiers comme l’« idéologie de la liberté », ce qui peut évidemment séduire. En fait, il n’est pas tant l’idéologie de la liberté que l’idéologie qui met la liberté au service du seul individu. La seule liberté qu’il proclame est la liberté individuelle, conçue comme affranchissement vis-à-vis de tout ce qui excède l’individu. Elle rejette d’emblée toute détermination, notamment celles qui relèvent de l’ancrage historique ou de l’appartenance culturelle. Benjamin Constant n’a cessé de le dire : « La liberté individuelle, voilà la véritable liberté moderne ! » A cette conception « moderne » de la liberté on peut opposer celle des Anciens, qui fait de la liberté la possibilité donnée à chacun de participer aux affaires publiques, ou encore celle de la tradition « républicaine », de Tite-Live et Machiavel à Harrington, qui affirme que je ne peux être libre si la communauté politique à laquelle j’appartiens ne l’est pas. Cette liberté « républicaine » a le souci de la société en tant que telle, tandis que la liberté libérale l’ignore superbement.

    Le libéralisme se fonde par ailleurs sur la conviction qu’il existe des droits individuels fondamentaux et inaliénables qui sont à la fois antérieurs et supérieurs à toute institution humaine, et que le premier de ces droits est le droit de poursuivre librement son meilleur intérêt. Ces droits sont évidemment purement formels (le droit au travail n’a jamais donné un emploi), mais là n’est pas le point important : le droit fondamental, c’est le droit d’avoir des droits. Les droits individuels peuvent de ce fait être opposé à toute obligation sociale ou à tout impératif politique. Cette conception des droits subjectifs rompt avec toute la philosophie traditionnelle du droit, qui se bornait à déterminer la juste part qui devait être attribuée à chacun (« suum cuique tribuere »).

    Comme vous le rappelez justement, les communautés authentiques ne sont pas des réunions ou des additions d’individus. Pourtant, dans le monde post-moderne, les néo-communautés se regroupent de manière très artificielle. Les modèles de consommation ou les pratiques sociétales créent des « communautés de consommation ». Pensez-vous que c’est un « triomphe du libéralisme » ?

    Je ne dirais pas cela. Les « communautés authentiques » ne sont pas forcément des communautés fondées sur des liens hérités. Il y a aussi des communautés « acquises », mais il faut les distinguer des « tribus » éphémères et des associations sans autre raison d’être qu’un intérêt partagé. Une communauté authentique donne (ou contribue à donner) un sens à l’existence. Elle peut aussi donner des raisons de mourir. Une communauté qui se forme autour d’un certain nombre de convictions politiques, idéologiques ou philosophiques est par définition une communauté « acquise » (même si cette acquisition peut être transmise). Un homme qui sacrifie sa vie à ses idées meurt pour une chose à laquelle il a décidé d’adhérer. Mais personne n’est prêt à mourir pour une « communauté de consommation » !

    Plus globalement, comment juger de l’impact du libéralisme dans les sociétés occidentales ? La « grande transformation » capitaliste est-elle résorbable ?

    L’impact du libéralisme au sein de la société se mesure à la montée de l’individualisme et de l’utilitarisme, à la prédominance des seules valeurs marchandes. La société capitaliste libérale est tout naturellement une société de marché, c’est-à-dire une société d’individus étrangère à la notion de gratuité, à l’éthique de l’honneur, au système du don et du contre-don, une société où règne le fétichisme de la marchandise et où ce qui n’est pas calculable ne compte pas.

    Le marché peut être considéré comme une loi régulatrice de l’ordre social sans législateur. C’est pourquoi le libéralisme tend à faire de ce modèle le paradigme de tous les faits sociaux (d’où l’analyse libérale du marché politique, du mariage, du crime, de la famille, etc.), tout en prétendant, à tort, que le marché au sens moderne du terme est la forme naturelle de l’échange, alors qu’il a été institué sous l’impulsion d’Etats-nations en formation, désireux de monétariser à des fins de prélèvement fiscal des échanges intracommunautaires non marchands, auparavant insaisissables. Or, le marché exige la disparition de tout ce qui peut faire obstacle aux échanges marchands, et donc que les frontières soient tenues pour inexistantes. Le libéralisme n’a de ce point de vue rien à objecter au mondialisme. Il aspire à l’élimination des frontières (« laissez faire, laissez passer », libre circulation des hommes et des capitaux). Un million d’extra-Européens venant s’installer en Europe, c’est à ses yeux seulement un million d’individus venant s’ajouter à d’autres millions d’individus. « Un marchand, écrit Smith dans un passage célèbre, n’est nécessairement citoyen d’aucun pays en particulier. Il lui est, en grande partie, indifférent en quel lieu il tienne son commerce, et il ne faut que le plus léger dégoût pour qu’il se décide à emporter son capital d’un pays dans un autre, et avec lui toute l’industrie que ce capital mettait en activité ». C’est déjà une apologie des délocalisations !

    La montée de l’individualisme libéral, accompagnant l’ascension des valeurs et des classes bourgeoises, aux dépens des valeurs aristocratiques comme des valeurs populaires, s’est traduite, d’abord par une dislocation progressive des structures d’existence organiques caractéristiques des sociétés traditionnelles, ensuite par une désagrégation généralisée du lien social, et enfin par une situation de relative anomie sociale, où les individus se retrouvent à la fois de plus en plus étrangers les uns aux autres et potentiellement de plus en plus ennemis les uns des autres, puisque pris tous ensemble dans cette forme moderne de « lutte de tous contre tous » qu’est la concurrence généralisée. A terme, cette anomie sociale peut aussi bien déboucher sur une société, non plus « liquide », mais « gazeuse », c’est-à-dire sur le chaos.

    On ne pourra en sortir que par un retour au commun. Dans cette perspective, le bien commun n’a d’autre sens que celui d’un bien qui a été institué en commun, et qui est inappropriable par nature. Dans l’expression « bien commun », le second terme compte d’ailleurs tout autant que le premier, car le commun est à lui seul déjà un bien qui se définit comme ce dont chacun peut jouir sans qu’on ait à en faire le partage. Restaurer le commun et le bien commun est le programme qui s’offre aujourd’hui à tous les antilibéraux si l’on veut sortir d’un monde où rien n’a plus de valeur, mais où tout a un prix.

    Le bourgeois post-moderne est-il très différent de celui de l’époque de Flaubert ?

    En apparence, il a beaucoup changé. Le bobo d’aujourd’hui paraît à première vue bien différent du bourgeois austère, frugal et épargnant, de la fin du XIXe siècle. Le premier est aussi cool que le second était rigide, il est aussi hédoniste et ouvert à toutes les suggestions les plus extravagantes que le second veillait de façon minutieuse au respect des conventions sociales. C’est que la société globale a elle-même beaucoup changé. Elle se veut « ouverte », fluctuante, relativiste, indifférente à la vérité. Mais ce qui, sur le fond, caractérisait le plus l’esprit bourgeois, le souci prioritaire de son intérêt, sa façon de concevoir la société sous le seul horizon du plus ou du moins, n’a pas varié. François Bégaudeau montre tout cela très bien cela dans son dernier livre, Histoire de ta bêtise.

    Autrefois, pour maximiser son avoir, le bourgeois vieux-style devait faire des efforts, s’astreindre à une discipline. Aujourd’hui, on peut s’enrichir tout en s’éclatant et en se bourrant le nez. Mais le but est resté le même. L’entreprise post-moderne est elle aussi bien différente de l’usine, tout comme le capitalisme spéculatif et déterritorialisé d’aujourd’hui diffère du vieux capitalisme industriel qui ne s’était pas encore dégagé de ses ancrages nationaux. Pourtant, dans les deux cas, le but est toujours de transformer l’argent en capital.

    Peut-être pourrait-on dire aussi que le bourgeois a créé son monde, et que dans ce monde les anciennes vertus n’ont plus besoin d’être incarnées de façon exemplaire par des individus, tout simplement parce qu’elles ont été reportées sur la société globale. Désormais, c’est la société elle-même qui doit être gérée de façon rationnelle, précautionneuse, fiable économiquement et commercialement. Werner Sombart l’avait très bien montré dans le cas de l’entreprise : le capitalisme moderne conserve toutes les vertus bourgeoises, mais il les soustrait aux personnes pour les reporter sur les firmes, qui cessent alors « d’être des propriétés inhérentes à des hommes vivants, pour devenir des principes objectifs de la conduite économique ». Or, aujourd’hui, les nations ne sont plus elles-mêmes que de grandes firmes, dirigées par des experts et des techniciens de la gestion.

    La démocratie et le libéralisme furent unis par l’idéologie des droits de l’homme. Désormais, il semble que ce couple soit au bord de la rupture comme modèle. Pensez-vous que le libéralisme est possible sans son habillage démocratique ?

    C’est d’autant plus possible que cet habillage n’a jamais été qu’un déguisement. A force d’entendre parler de « démocratie libérale », on s’est habitués à penser que libéralisme et démocratie sont en quelque sorte synonymes. C’est une énorme erreur. La démocratie implique le pouvoir souverain du démos ou, si l’on préfère, la souveraineté populaire en tant que pouvoir constituant titulaire de la légitimité politique. La démocratie est la forme de gouvernement répondant au principe de l’identité de vues des gouvernants et des gouvernés, l’identité première étant celle d’un peuple concrètement existant par lui-même en tant qu’unité politique. Le libéralisme est tout différent puisqu’il prétend que la « sphère économique » doit être rendue autonome vis-à-vis du pouvoir politique. L’économie, considérée à l’origine comme le royaume de la nécessité, devient ainsi par excellence celui de la liberté.

    Redéfinie dans un sens libéral, la démocratie n’est plus le régime qui consacre la souveraineté du peuple, mais celui qui « garantit les droits de l’homme ». Les droits de l’homme priment la souveraineté du peuple au point que celle-ci n’est plus respectée que pour autant qu’elle ne les contredise pas : l’exercice de la démocratie est ainsi placé sous conditions. Le libéralisme est en outre fondamentalement hostile à la notion de souveraineté – sauf bien entendu à la souveraineté de l’individu. Pour lui, toute forme de souveraineté excédant l’individu est une menace pour sa liberté. Il condamne donc la souveraineté politique et la souveraineté populaire au motif que la légitimité n’appartient qu’à la volonté individuelle. Toutes les démocraties libérales sont aussi des démocraties parlementaires représentatives, ce qui signifie que la souveraineté parlementaire s’y substitue à la souveraineté populaire. Pour le libéralisme, le pouvoir n’a pas fondamentalement pouvoir à diriger, mais à représenter la société. Dès l’origine, la démocratie représentative n’avait en fait d’autre but que de se prémunir contre les « débordements » du peuple et la colère des « classes dangereuses ». Jacques Julliard parle même d’une « barrière de sécurité imaginée par la classe gouvernante à l’égard des débordements possibles de la souveraineté populaire ». Or, le peuple a d’autant moins vocation à se faire représenter qu’il n’est vraiment souverain que lorsqu’il est présent à lui-même. C’est la raison pour laquelle Carl Schmitt disait qu’une démocratie est d’autant moins démocratique qu’elle est plus libérale.

    Les « démocraties illibérales » sont-elles une réponse à cette crise de légitimité ?

    Leur apparition répond de toute évidence à la crise actuelle de la démocratie libérale, et plus précisément à « l’éloignement du libéralisme de la démocratie, c’est-à-dire au non-respect de la souveraineté du peuple dès lors qu’il ne valide pas les choix économiques ou politiques des élites qui le gouvernent » (Laurent Bouvet). Plus profondément, les démocraties illibérales naissent d’une prise de conscience que le système formel de l’Etat de droit, conçu sous la forme d’un empilement de normes abstraites, ne répond pas à la question fondamentale de savoir ce que peut être une bonne société, ni quel sens nous pouvons donner à nos existences.

    L’Etat libéral s’abstient par principe de tout jugement concernant la façon dont les gens choisissent de vivre. Il n’a pas à trancher entre les conceptions concurrentes en matière de morale, il ne doit pas contribuer à donner un sens à l’existence, il ne doit pas proposer un modèle de « vie bonne » (Aristote), il n’a pas à encourager certaines attitudes ou à en décourager d’autres. Le gouvernement, souligne Robert Nozick, doit être « scrupuleusement neutre face à ses citoyens ». Comme le dit très bien Pierre Manent, le libéralisme est d’abord un renoncement à penser la vie humaine selon son bien ou selon sa fin ». Comment s’étonner dès lors de l’incapacité des sociétés libérales à légiférer de façon cohérente sur des « questions de société » (bio-éthique, procréation assistée, mariage homosexuel, immigration, etc.) qui impliquent inévitablement un jugement en termes de moralité substantielle ?

    La répression du mouvement des Gilets Jaunes est sans précédent, c’est un basculement durable dans le maintien de l’ordre libéral pour vous ?

    Oui, on peut dire cela. Lors des manifestations des Gilets jaunes, les forces de police n’ont pas fait du maintien de l’ordre, mais de la répression. Celle-ci a atteint un niveau de violence et de brutalité que l’on n’avait pas vu en France depuis la guerre d’Algérie. Cette brutalité témoigne de la peur que ce mouvement a inspiré à la classe dirigeante (souvenez-vous de cet hélicoptère qui volait au-dessus de l’Elysée afin d’« exfiltrer » le président de la République en cas de nécessité), mais aussi de ce que cette même classe dirigeante ne recule devant rien pour défendre ses positions. Si besoin était, elle n’hésiterait pas un instant à faire tirer sur la foule à balles réelles, j’en suis convaincu. 

    La crise des Gilets Jaunes a fait revenir l’idée d’une démocratie directe à travers le RIC. Que pensez-vous de cette idée et des travaux d’Étienne Chouard ?

    Je défends moi-même depuis longtemps l’idée d’une démocratie participative et d’une démocratie plus directe ; vous devez donc vous douter de ma réponse. Quant aux travaux d’Etienne Chouard, je trouve qu’ils mériteraient d’être mieux diffusés et plus abondamment discutés. L’idée, également avancée par Chouard, d’une assemblée constituante tirée au sort, mériterait notamment d’être sérieusement examinée. Quant au référendum d’initiative populaire (ou d’initiative citoyenne) dont ce critique résolu de l’idéologie libérale est un chaud partisan, je partage à ce sujet tout à fait son opinion, même si je ne fais pas du référendum une panacée. Qu’Etienne Chouard ait joué un rôle de « conseiller informel » auprès de certains Gilets jaunes ne me surprend pas, et me le rend d’autant plus sympathique.

    Pourquoi l’idée de la fin du capitalisme est aujourd’hui devenue synonyme de fin du monde ?  Le mythe du collapsus est-il devenu un moyen de légitimer le monde actuel ? Une autre fin du monde est possible pour vous ?

    Il est plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du système capitaliste, a-t-on pu dire en effet. La raison en est que ce système a depuis des décennies façonné les imaginaires de toutes les façons possibles et imaginables. Il y a un demi-siècle, l’opinion dominante était également convaincue que le système soviétique n’était pas près de s’effondrer. On sait ce qu’il en est advenu. Je pense pour ma part qu’il peut très bien en aller de même du système capitaliste, qui se heurte actuellement à des contradictions internes insurmontables. Une nouvelle crise financière mondiale, plus ravageuse encore que celles de 1929 et de 2008, pourrait encore accélérer les choses. Mais, qu’on se rassure, ce ne sera pas la fin du monde ! Ce sera seulement la fin d’un monde qui, dans tous les sens du terme, a fait son temps.

    On remarque l’émergence d’une réflexion transversale visant à proposer des alternatives concrètes au système. Les notions de communauté, d’autonomie et d’entraide peuvent-elles devenir un nouvel élan vers le bien commun ?

    Oui, sans doute. Mais dans l’époque de transition que nous vivons actuellement, il reste encoree beaucoup à faire. Il serait déjà bien, dans l’immédiat, de susciter et d’organiser la réflexion en gardant l’œil ouvert sur ce qui s’annonce, de façon parfois confuse, afin de faire apparaître des directions à suivre.

     

    Alain de Benoist (Rébellion n°87, novembre 2019)

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  • Confinez-vous avec : ... Le numéro de Nouvelle Ecole sur Ernst Jünger !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver sur le site de la revue Éléments, le numéro 48 de la revue Nouvelle Ecole consacré à Ernst Jünger. Fondée en 1968 et publiée tous les ans, Nouvelle Ecole est une revue, richement illustrée, qui propose dans chaque livraison des études en profondeur dans tous les domaines de la connaissance et de l’histoire des idées, de l’archéologie à la biologie, en passant par la sociologie, la littérature, la philosophie ou l’histoire des religions. Chaque numéro comporte un dossier central, auquel s’ajoutent des « Varia » et de nombreuses rubriques et bibliographies. Dirigée par Alain de Benoist, Nouvelle Ecole a pour rédacteur en chef Eric Maulin.

     

    NE48_Ernst Jünger.jpg

    " La vie de l’auteur d’Orages d’acier et des Falaises de marbre, du Travailleur et d’Eumeswil, des Chasses subtiles et du Traité du Rebelle, s’est étendue sur plus d’un siècle. Dans ce numéro qui lui est entièrement consacré, les meilleurs spécialistes présentent son œuvre, depuis l’époque de la Révolution Conservatrice jusqu’à celle de Soixante-dix s’efface.

    Les principaux textes sont signés par Armin Mohler, François Poncet, Serge Mangin, Friedrich Sieburg, Gerd-Klaus Kaltenbrunner, etc.

    On trouvera aussi dans ce dossier des inédits de Jünger («Le droit spécial du nationalisme») et de son frère, Friedrich Georg Jünger, ainsi qu’une bibliographie exclusive et de nombreux documents. Les personnalités originales d’Ernst Niekisch et de Friedrich Hielscher n’ont pas été oubliées. "

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  • Quand la Terre ne tourne plus !...

    Sixième semaine de confinement, mais Le Plus d’Éléments ne chôme pas. On ne passera pas du jour au lendemain de la nuit à la lumière, le monde d’après se fera attendre, mais il ne ressemblera pas au monde d’avant... Retrouvez ses rédacteurs avec ce rendez-vous hebdomadaire sur TV Libertés. Alain de Benoist et le monde d’après, François Bousquet et la biopolitique, Patrick Lusinchi et le pouvoir du rire. Un confinement tout en réflexion et relaxation !

     

                                    

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